Le Crétacé s'est terminé il y a 66 millions d'années avec de grandes éruptions volcaniques en Inde et l'impact d'une météorite de 10 kilomètres de diamètre dans le golfe du Mexique (formant le cratère de Chicxulub). Chacun des 2 événements est isolément potentiellement catastrophique, mais celui qui a finalement tué les dinosaures non aviaires est longtemps resté une énigme. Une équipe de chercheurs internationaux, au sein de laquelle on retrouve Sietske Batenburg (Géosciences Rennes), publie en janvier 2020 dans la revue Science (Hull et al., 2020) des résultats originaux qui permettent d’éclairer les circonstances du cataclysme planétaire en précisant la chronologie des évènements.
Le démêlage de leur importance relative – volcanisme vs astéroïde - est compliqué du fait de l'incertitude concernant la datation précise du dégazage volcanique. Pour y voir plus claire, les chercheurs ont utilisé la modélisation du cycle du carbone et les enregistrements de paléotempérature pour se concentrer sur la datation de la période du dégazage volcanique. Ils ont ainsi constaté que les principaux dégazages commencent et se terminent nettement avant l'impact.
Bien que le volcanisme ait provoqué un réchauffement climatique important en augmentant sensiblement l’effet de serre, les conclusions de l’étude montre que celui-ci s'est terminé 200 000 ans avant la fin du Crétacé. C’est donc l'impact de l'astéroïde - coïncidant avec l'extinction de masse - qui constitue par conséquent la principale cause de la disparition des dinosaures.
L'équipe de chercheurs a analysé des carottes de sédiments marins déposés au fond de l'océan près de Terre-Neuve (Figure 2). Ces carottes contiennent des fossiles microscopiques de plancton calcaire qui ont enregistré les conditions environnementales de leur dépôt dans la chimie de leurs squelettes. La composition isotopique de l'oxygène des coquilles de foraminifères a ainsi permis de révéler les changements de température de la mer (Figure 3). Ces changements de température sont venus compléter des données de changements de température enregistrés dans le monde entier : ceux-ci ont ensuite été comparés à des scénarios de modélisation d'émission de gaz à effet de serre générés par le volcanisme.
A priori, l'activité volcanique semblait être le coupable parfait pour des changements climatiques dramatiques, car de grands volumes de lave s’étaient déversés en Inde avant et après l'événement d'extinction. L'éruption des Trapps du Deccan – qui ont généré un empilement de coulées de lave sur plus de 2 400 mètres d'épaisseur ! - a été datée très proche de la fin du Crétacé, suscitant donc un vif débat sur l'origine de l'extinction. L'analyse de la nouvelle compilation des données de température publiée dans Science montre que l'extinction a été précédée d'une phase de refroidissement. La phase principale d'éruption s'est terminée bien avant que l'impact de l’astéroïde ravage les écosystèmes de la Terre. Elle suggére par conséquent que seul l'impact est à l’origine de l'extinction de masse à la fin du Crétacé.
En percutant la Terre, l’impact de l’astéroïde a immédiatement envoyé une quantité considérable de poussière dans l’atmosphère en occultant le soleil, provoquant une chute brutale des températures sur Terre (i.e. « l’hiver nucléaire »). Cependant, sur le long terme, dans les milliers d’années qui ont suivi, les éruptions volcaniques se sont poursuivies et le climat de la Terre s'est progressivement réchauffé. Ces conditions chaudes ont probablement permis le rétablissement des écosystèmes et la prolifération des mammifères, mais le mécanisme exact de cette diversification reste à préciser.
Référence
Hull, P.M., Bornemann, A., Penman, D.E., Henehan, M.J., Norris, R.D., Wilson, P.A., Blum, P., Alegret, L., Batenburg, S.J., Bown, P.R. and Bralower, T.J., 2020. On impact and volcanism across the Cretaceous-Paleogene boundary. Science, 367(6475), pp.266-272. DOI: 10.1126/science.aay5055